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Sale Gosse – Mathieu Palain

Résumé

Wilfried est né du mauvais côté de la vie.
Abandonné à huit mois par une mère toxicomane et né d’un père inconnu, il est placé dans une famille d’accueil.
Dans sa cité, il s’inscrit dans un club de foot et se fait remarquer. Le destin semble alors lui sourire, voué à une carrière de footballeur professionnel à l’AJ Auxerre.
Mais la colère tapie en lui enfle, suinte. Une plaie que l’on n’a jamais soignée.
Et puis, l’explosion, la colère et la frappe. Mais pas celle que l’on attend de lui, pas celle qui envoie la balle ronde dans les cages. La frappe sur l’adversaire.

« Wilfried savait qu’il se ferait virer. (…) Un blessé, à la rigueur – et encore, on ne s’embêtait plus avec les petits qui se faisaient les croisés -, mais les cas sociaux qui éclataient la mâchoire d’un adversaire à coups de crampons, ceux-là pouvaient aller se faire voir. Des mômes avec du talent, il y en avait des milliers. »

C’est l’exclusion.
Et alors, le film se rembobine. Le départ du club, les affaires de sport jetés en vrac sans son sac de sport floqué AJ Auxerre. Ses shorts, ses maillots, lancés à l’arrache, en boule dans l’oubli. La mort de ses rêves, la perte du peu de repères, d’espoir. L’estime fragile qui se rompt. La honte qui s’immisce. La parole qui fout le camp.
Et puis, le retour dans sa chambre d’enfant. Ses vieux posters, ses anciens jouets, restés intacts. Capsule temporelle. Comme si tout semblait l’attendre. Comme si tout était écrit. La défaite.
Le quotidien qui reprend sa place dans sa famille d’accueil, aimante et patiente, mais qu’il rejette. Qu’il insulte, qu’il fuit. Comment aimer, quand on a un cœur brisé ? Comment accueillir l’affection et le respect quand on déteste ce que l’on est ? Quand on ne sait pas qui l’ont est ?
Et alors, la chute, la délinquance. Une suite qui semble logique, qui résonne comme une évidence. Les vols, la violence.
Et enfin, la PJJ. Et Nina. Nina…

« Je vais pas vous détailler ma vie mais j’ai vraiment eu une enfance toute pourrie. Ces gosses, je peux leur faire comprendre qu’ils ont deux options sachant les trucs pas marrants qu’ils ont vécus : soit ils se cachent derrière leurs parents alcooliques en se disant qu’ils finiront comme eux, soit ils se bougent parce qu’ils valent mieux que ça. Je dis souvent : »Y’a pas de technique avec les gamins, on range pas des livres dans des cartons. » »

Et parce que Nina connaît ça, parce que Nina sait parler, parce que Nina ne prend pas par pitié, se noue entre ces deux âmes écorchées une relation particulière, dans laquelle se dessine lentement une relation de confiance, un semblant de possible.

Pourquoi avoir choisi ce livre ?

Pour le titre.
« Sale Gosse ». Parce que cette expression, les adultes l’utilisaient beaucoup dans ma famille. En premier, pour parler de mon petit cousin, hyperactif, qui cassait tout, qui s’immisçait dans les conversations, qui jetait les clés dans les égouts. Un « Sale Gosse » que l’on devait surveiller comme le lait sur le feu, mais qu’on finissait par laisser seul et par faire plein de conneries. Parce que ça fatigue, de s’occuper d’enfants comme lui. Des Sales Gosses. Parce qu’on se sent vite démunis, incapables.
Parce que je les utilisais moi aussi, ces mots « Sale gosse ! » quand il me tapait, quand il entrait dans ma chambre sans mon avis. Parce que je lui hurlais dessus, que je faisais comme les adultes. Sûre que rien d’autre ne fonctionnerait. Parce qu’on avait occulté ses souffrances, son passé. Ses démons qui le pourrissaient.
Et puis, « Sale gosse » est rapidement devenue une insulte générique, qui s’agrippait à tous les enfants qui hurlaient, qui faisaient des crises. A tous ces enfants qui dérangeaient, dans les lieux publics, dans les repas de famille, sur les plages, dans les supermarchés. A tous les enfants qui n’obéissaient à aucune règle logique… mais plutôt à celles qu’on ne voit pas, profondément tapies en nous. Qui nous empoisonnent en silence et régissent chacune de nos décisions, de nos mouvements.

J’ai lentement abandonné cette insulte « Sale Gosse » quand j’ai compris que j’en étais une, quelque part. Que nous étions plus nombreux que nous le pensions… Des « Sales Gosses » en puissance, des « Sales Gosses » qui se taisent mais qui étouffent.

Pour la couverture.
Sa dynamique. Le flou des personnages, ce visage double, cette personnalité aux deux facettes. Et les lumières : cité, monde rural, devantures de supermarchés ? L’envie de découvrir.

Pour la plume.
Directe, incisive. Les phrases courtes, qui vont à l’essentiel. Pas de superflu, que du nécessaire. Une course contre la montre. L’envie de parler du sujet, de ne pas nous noyer sous de belles phrases pour faire joli.

Pour le thème.
Pour ces gamins écorchés. Pour ces gosses en mal de vivre. Pour cette génération perdue.
Et pour ces belles personnes qui ont décidé de se dévouer corps et âmes pour ces enfants, « nés sous la mauvaise étoile ».
Pour être immergée, une fois encore, dans ce métier qui m’attire comme un aimant. Pour recroiser des personnages qui m’ont émue, comme dans Polisse, Mommy, ou encore La Haine. Des films dont je ne me lasse pas.

En résumé…
Un choix de livre très personnel. Un appel du cœur. Un besoin de réassurance. Une envie de me prouver, à travers ces destins croisés, que le bonheur est quelque part et que l’on peut tout braver. Que l’on peut encore y croire. Que l’on n’est pas des rebus de la société.

Que le manque d’une maman ne se guérit jamais, mais que l’on peut se raccrocher à d’autres choses, d’autres gens. A d’autres détails de la vie.

Mon avis

Sans trop de suspens… C’est un livre que j’ai énormément apprécié.
Lu d’une traite, je me suis attachée aux personnages, surtout à Nina et à Wilfried.
J’ai aimé le vocabulaire employé par l’auteur. Un vocabulaire qui sort naturellement, sans forcer. On se sent immédiatement au cœur de la cité et au plus près de ces jeunes.
J’ai été bouleversée par les émotions du jeune garçon. Détruit par le manque de sa mère. Qui rejette tout le monde. Qui déteste, qui frappe. Et qui ne rêve pourtant que d’une chose : être aimé et intégré.
Une vie ravagée, une vie détruite, dont on peine à rassembler les débris… et si l’on y arrive, que faire de tout ça ?

Ce livre a fait écho à mes sentiments, émotions.

Je le conseille vivement à tout ceux qui veulent pénétrer dans le monde de la PJJ et vivre quelques heures aux côtés de ces héros contemporains et de ces jeunes au cœur détruit.

Merci à Mathieu Palain de s’être immergé pour de vrai dans ce monde. Pour son écrire limite journalistique, empreinte de vérité et de sincérité.

Mes résonances…

« La haine », film de Mathieu Kassovitz. Pour l’ambiance de la cité, les personnages, et les mots.
« Mon frère », film de Julien Abraham, pour l’immersion dans un foyer d’adolescent, la violence, le désespoir, l’entraide… et l’espoir.
« Mommy » film de Xavier Dolan, pour l’enfant au cœur écorché, aux émotions qui inondent et prennent possession du corps. Pour l’amour derrière tout ça.
Et puis « Polisse », de Maïwenn. Pour l’immersion totale dans la PJJ.

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